Ægilops

  • Histoire naturelle
  • Bory de Saint-Vincent
  • Encyclopédie moderne

Ægilops. Genre de plantes de la grande famille des graminées, sans utilité pour l’homme, sans élégance, et dont trois ou quatre espèces végètent éparses dans les champs des parties méridionales et chaudes de l’Europe. Dédaignée de tout le monde, si ce n’est du botaniste, aux yeux duquel il n’existe point de végétaux méprisables, l’histoire de l’ægilops présente cependant une étrange singularité. Un savant, qui inspira à notre enfance le goût des sciences naturelles, et qui avait été compagnon d’études de M. de Secondât, fils du grand Montesquieu, M. Latapie, ancien professeur de botanique à Bordeaux, nous a fait part d’une expérience qu’il a tentée sur l’ægilops ; elle mérite toute l’attention des philosophes, des historiens et des agriculteurs. Il avait, dans un voyage en Sicile, recueilli des graines de l’espèce d’ægilops scientifiquement appelée ovata. De retour dans sa patrie, il sema sa graminée, qui réussit parfaitement ; ayant remarqué que la plante, dans un terrain substantiel, beaucoup plus gras que celui sur lequel il l’avait récoltée, avait pris un accroissement considérable, il en cultiva des graines prises sur ces pieds agrandis par la culture, une à une, et séparées dans des pots de fleurs remplis d’excellente terre. Il eut des individus plus grands encore ; et continuant ainsi ses semis, il finit par obtenir de véritable froment de la plus belle qualité. Il se garda bien de conclure qu’une transmutation s’était opérée, mais il pensa que l’ægilops était la plante dont le blé est provenu. En effet, les anciennes traditions placent l’origine des céréales dans la belle vallée d’Enna, située dans la Sicile, cette antique Trinacrie, berceau de l’agriculture, empire de Cérès, où cette divinité initia Triptolème à ses secrets. Cette fable n’eut peut-être d’autre origine que la métamorphose de l’ægilops, et l’on verra au mot Céréales que la véritable patrie du blé n’est pas connue. Nous avions d’abord, dans nos Essais sur les îles Fortunées, traité un peu légèrement l’observation de M. Latapie ; nous avons depuis appris à juger plus mûrement, et nous invitons les savants à répéter une expérience dont les résultats peuvent être fort curieux.