Abatis

  • Fortification
  • Léon Renier
  • Encyclopédie moderne

Abatis. Dans l’origine des sociétés, l’homme trouva nécessairement sur le sol qu’il foulait, des pierres pour armes ; vaincu, il dut aller se réfugier dans les forêts, et la dépouille des arbres lui donna des armes offensives, telles que la massue, le javelot, l’arc et la flèche ; et des armes défensives dans l’écorce qui lui fournit un bouclier.

L’état de sociabilité avançant toujours, et la guerre étendant ses ravages, des peuplades entières se trouvèrent en présence ; le parti le plus faible se retrancha dans les forêts, et s’en fit un abri qui pût égaler les forces du parti dominant et battant la campagne à découvert.

Ainsi furent faites les premières fortifications, avec des abatis d’arbres jonchés sur la terre, de manière à braver les insultes de l’attaquant et à soutenir ses efforts avec plus de chance et de sécurité.

Toutes les histoires de l’antiquité font mention de ce genre de fortification, qui sert encore dans nos armées.

En ne remontant pas au delà de l’époque historique, nous lisons dans Cornelius Nepos[1] qu’à Marathon, Miltiade, adossant ses dix mille braves à une montagne, couvrant sa droite d’un abatis, appuyant sa gauche à un marais, déjoua les efforts de Datis et de ses cent mille Perses.

Camille, au rapport de Plutarque[2], venant au secours de l’armée romaine assiégée par les Latins et les Volsques, trouva ces derniers fortement retranchés derrière des abatis, et ne dut la victoire qu’aux efforts redoublés des Romains.

Les Gaulois se mettaient souvent à couvert derrière des abatis. « Les Nerviens, dit César, de tout temps faibles en cavalerie, ont l’habitude, pour se garantir contre les incursions de la cavalerie et des maraudeurs voisins, de tailler et de courber de jeunes arbres, dont les branches entrelacées de ronces et d’épines forment une espèce de mur impénétrable à l’œil même[3]. » Le conquérant fit lui-même usage de ce genre de fortification, dans son expédition contre les Morins et les Ménapiens. Son armée s’étant engagée trop avant dans les forêts qui couvraient la plus grande partie du pays occupé par ces peuples, éprouva quelques échecs ; César entreprit alors d’abattre la forêt où il se trouvait, et, pour empêcher que ses soldats ne fussent pris en flanc par les barbares, il fît entasser tout le bois coupé en face de l’ennemi et sur les deux côtés, en forme de rempart. En peu de jours ce travail fut achevé sur une immense étendue[4].

Germanicus, pénétrant dans la forêt Césia, fortifiait tous les jours ses camps avec des abatis[5].

De toutes les fortifications de campagne, les abatis sont, dans un pays couvert, ce qu’il y a de plus prompt, de plus commode et de plus fort. Les guerres de la révolution nous en ont offert une foule d’exemples.

1.

Miltiad., c. 5.

2.

Camill., c. 34.

3.

Guerre des Gaules, ii, c. 17.

4.

Guerre des Gaules, iii, 29. Sur l’abatis employé par César, au siège d’Alesia, Voy. Guischardt, Mém. milit., t. i, p. 234.

5.

Tacite, Annales, i, 56.